Rumeurs et parolis* sur la poésie
On raconte que je suis arrivé en ce
monde de la rencontre d’un parapluie et
d’une paire de chaussures dépareillées au
grenier d’un vieux château.
On prétend que la vérité est un oignon
qu’il faut peler et beaucoup pleurer. On
trouve parfois la vérité sous une pelure,
mais on ne la voit pas toujours à travers
les larmes du crocodile.
On affirme que tout a été dit, tout a été
écrit. À quoi bon ressasser les mêmes
histoires ? Et pourtant je jure que viendra
quelqu’un après Aragon qui osera écrire
un vers différent et aussi beau que:
Mon sombre amour d’orange amère.
C’est pour cela entre autres que je fais
des gammes avec des mots depuis
toujours, que je les piège pour leur
arracher leur secret.
On croit que la poésie embellit la vie du
monde par sa beauté. On avait dit la
même chose de l’art autrefois. Et
pourtant les métaphores des grands
poètes ne sont pas toujours belles
comme des bulles de savon au soleil,
mais plutôt tombent comme des paroles
gelées qui éclatent avec un son indicible,
à ce que prétend Rabelais.
On a bien vu que Gustave a passé cinq
ans à réécrire son roman, à le soumettre
aux pires tortures pour dire à la fin
exténué, extasié: Madame Bovary, c’est
moi !
On a bien entendu Marie-Claire Blais
qui disait en plein soleil d’août: Le
monde va si vite qu’on a trop de
culpabilité à vivre dans nos romans.
Donc tout n’a pas encore été dit. Il y a
les autres merveilles longues à raconter,
écrivait Jacques Cartier. Et son
admirateur Pierre Perrault insistait: On
peut faire dire ce qu’on veut aux
Écritures, à Ulysse. On ne peut
interpeller la mer par l’imaginaire que
si on voyage dans l’écriture.
On y revient invariablement: toujours
l’écriture et la lecture pour trouver le
nord. Pourtant ne pas oublier comme
nous le rappelle Pierre Morency: Le nord
n’est pas dans la boussole. Le nord de
l’écriture est dans le sens de nos rêves
quand ils tombent sur le papier comme
les paroles dégelées de Rabelais.
Entendez- vous Trink ? Vous avez
compris sans dictionnaire.
*Parolis : paroles sans importance pour meubler le silence selon... mon grand-père qui avait la langue bien pendue.